jeudi 23 juin 2011

Le crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne - Michel Onfray

J'ai rencontré Freud sur le marché de la sous-préfecture d'Argentan (Orne) quand j'avais une quinzaine d'années... [M.O]

Ce fut en grande partie une lecture de plage. On pourrait trouver qu'il s'agit d'un sujet et d'un texte de contenu trop sérieux pour l'associer ainsi à la brise du sud et au sable doux, mais la position du lecteur allongé devant l'infinie surface mouvante de la mer, enveloppé par le tumulte de l'onde constitue souvent un contexte qui prédispose à la réflexion et l'introspection que l'intrusion dans un tel texte commande. 

La préface m'a séduit. Onfray y décrit sa rencontre adolescente de trois livres et de trois auteurs qui auront une influence marquée sur sa pensée et sa démarche. Il s'agira de L'antéchrist de Nietzsche, du Manifeste du Parti communiste de Marx et de Trois essais sur la théorie de la sexualité de Freud. Il dit de ces rencontres : À quinze ou seize ans, je disposais d'un stock de dynamite considérable pour faire sauter la morale catholique, miner la machinerie capitaliste et volatiliser la morale sexuelle répressive judéo-chrétienne. De quoi faire la fête philosophique, et pour longtemps! Nous n'avons pas tous croisé ces auteurs à quinze ans, mais souvent des textes lus dans l'adolescence ont imprimé sur notre devenir des traces indélébiles.


Je ne reprendrai pas ici toute la polémique que Le crépuscule d'une idole a pu soulever en France. Au Québec, la vague a été nettement moins déferlante. La psychanalyse n'a pas ici l'espace privilégié que la France lui réserve.

L'argument d'Onfray : Freud a été un philosophe qui détestait la philosophie et les philosophes. Son oeuvre, tirée de ses expériences personnelles, n'est en rien scientifique et s'apparente plutôt à une catégorie subjective de psychologie littéraire ou d'autobiographie philosophique. Onfray démonte la statue de Freud et répond à quelques-uns des raccourcis que certains auteurs ont aménagés pour décrire l'oeuvre psychanalytique. Il se sert de l'histoire de Freud, pas nécessairement celle que ces hagiographes officiels ont voulu montrer. Il reprend l'histoire de la naissance du concept et en livre une critique radicale. Il le fait dans un style clair et explicite. Son écriture porte toujours cette signature de celui qui veut se faire comprendre. Peut-être qu'il abuse de la répétition des arguments et parfois, on sent la redite un peu appuyée. On passe toutefois au-delà de cette difficulté d'écriture, le propos étant tellement porteur.

Derrière l'affabulation freudienne, Onfray découvre et met en exergue la logique ecclésiastique de la psychanalyse avec sa doctrine, son pape, ses évêques et ses cardinaux, son rituel, son orthodoxie. Il montre à quel point la psychanalyse se veut telle une vision du monde totalisante ayant réponse à tout et proposant un concept, l'inconscient, qui permettra l'interprétation de la totalité de ce qui a eu lieu, a lieu et aura lieu. Freud n'apparait plus comme le libérateur que certains croyaient, mais plutôt comme un inhibiteur de l'investissement politique, comme le tenant d'une illusion indémontrable.

Onfray repose son texte sur une recherche imposante traduite dans une bibliographie commentée de près de 20 pages. C'est loin de n'être qu'une pierre lancée dans la mare, c'est une vision réfléchie et lucide du freudisme qu'Onfray nous livre.

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Onfray
Michel
Apostille au Crépuscule, Pour une psychanalyse non freudienne 

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